Nous façonnons l'avenir de l'audio depuis 1945

Une discussion avec les co-PDG Dr. Andreas et Daniel Sennheiser à propos de l’exercice 2024 et d’une passion pour le son unique qui dure depuis 80 ans.

« Nous façonnons l’avenir de l’audio depuis 1945. C’est ainsi que nous considérons l’histoire de notre entreprise. Il ne s’agit pas tant d’un nombre d’années que des expériences qui nous ont permis de grandir. »
​– Daniel & Andreas Sennheiser

Félicitations pour vos 80 ans ! Que représente cette année si particulière pour vous, en tant que co-PDG et en tant que famille ?

Daniel Sennheiser : Nous façonnons l’avenir de l’audio depuis 1945 - c'est ainsi que nous voyons l'histoire de notre entreprise. Ce ne sont pas tant les années écoulées qui comptent que les expériences qui nous ont permis d’évoluer. Nous regardons ces huit décennies comme une entreprise familiale indépendante avec fierté, mais aussi avec humilité. Aujourd’hui, nous représentons la troisième génération à diriger l’entreprise, avec courage et sens des responsabilités, aux côtés de nombreux collaborateurs talentueux qui partagent notre passion pour le son.

Qu’est-ce qui rend l’ADN de Sennheiser si particulier ? Qu’est-ce qui a façonné l’entreprise au fil de ces huit décennies ?

Andreas Sennheiser : La volonté de repenser les choses et de ne jamais abandonner est un fil conducteur de l’histoire de notre entreprise. Ce désir d’explorer, de comprendre et de remettre en question le statu quo — jusqu’à ce qu’un problème soit véritablement résolu — est ce qui nous définit. Au-delà de notre esprit d’innovation, c’est avant tout notre collaboration étroite avec nos clients qui constitue le cœur de l’ADN de Sennheiser. Qu’il s’agisse de l’invention du premier micro sans fil au monde en 1957 ou du développement de nouvelles capsules pour des artistes internationaux comme Ed Sheeran ou Drake, il s'agit toujours de travailler ensemble pour créer quelque chose qui n'existait pas auparavant et ainsi redéfinir petit à petit l'industrie audio.

Vous évoquez des innovations majeures : quels jalons – mais aussi quels échecs – ont particulièrement marqué l’histoire de l’entreprise ?

Daniel Sennheiser : Sans aucun doute, le premier micro sans fil de 1957, développé avec la télévision allemande, fait partie des grandes étapes. À l’époque, le câble avait été sectionné en direct à l’antenne – une opération très efficace en termes de communication – et l’émission avait continué sans interruption. Autre moment clé : le lancement du tout premier casque ouvert, le HD 414, en 1968. Ce fut la naissance du casque musical en tant que produit grand public. Jusqu’alors, il était réservé aux usages techniques. Cela a ouvert un tout nouveau segment, dont nous avions sous-estimé le potentiel. On l’avait évalué à 500 unités par an ; notre grand-père en a produit 5 000, qui se sont écoulées en trois mois. Au final, 50 000 casques ont été vendus la première année.

Mais toutes les innovations n’ont pas trouvé leur marché au bon moment. Nos premiers écouteurs True Wireless, lancés dès 2008, étaient en avance sur leur temps – l’écosystème n’était pas encore prêt. Même chose pour le Surrounder, avec un son 3D, lancé au début des années 2000 dans un marché qui n’émerge vraiment qu’aujourd’hui. Ces expériences font partie de l’apprentissage chez Sennheiser – et renforcent le courage d’emprunter des chemins parfois inconfortables. Pour faire émerger de nouvelles idées, il faut une culture d’entreprise qui encourage l’audace et accepte que l’échec fasse partie du processus.

« Pour continuer à faire émerger de nouvelles idées, il faut une culture d’entreprise qui encourage l’audace et accepte que l’on puisse parfois échouer. »
​– Daniel Sennheiser

Comment préserver cette culture de l’innovation sur plusieurs décennies ?

Andreas Sennheiser : Cela repose d’abord sur un cadre suffisamment ouvert. La philosophie de notre grand-père, Fritz Sennheiser « les ingénieurs doivent avoir de l’espace pour rêver » reste valable aujourd’hui. Elle s’accompagne de la conviction que la véritable innovation demande souvent de la patience. Nous travaillons, par exemple, sur nos algorithmes audio 3D depuis plus de 25 ans ; ils sont aujourd’hui utilisés en réalité virtuelle, augmentée, ou encore dans l’automobile. Il faut penser en dehors des cadres, plutôt que d’avancer tout droit.

La fiabilité n’a jamais été aussi importante. Comment cela se traduit-il concrètement chez Sennheiser ?
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​Daniel Sennheiser : La fiabilité est un vrai avantage concurrentiel pour nous – à la fois dans la qualité de nos produits et dans notre posture d’entreprise. Pendant la pandémie, nous avons pu assurer nos livraisons grâce à des chaînes d’approvisionnement solides, sur lesquelles nous avons beaucoup investi. Nous avons un niveau d’intégration verticale élevé, et tenons à produire en Allemagne ainsi que dans notre usine en Roumanie. Notre fiabilité se manifeste aussi aujourd’hui dans la manière dont nous communiquons avec nos clients, en toute transparence, notamment sur les évolutions de prix. Dans les périodes incertaines, nous gardons le cap, non pas par des réactions précipitées aux événements politiques, mais par un dialogue clair et construit.

Une longue histoire d’entreprise est aussi une promesse pour l’avenir. Que mettez-vous en place aujourd’hui pour les générations futures ?

Andreas Sennheiser : Nous voulons rester une entreprise familiale. Pour cela, nous visons une rentabilité solide qui nous permette de continuer à investir. Nous faisons la promesse de rester fiables et de continuer à offrir des expériences sonores uniques.

Daniel Sennheiser : Et nous investissons sur le long terme en formant nos propres talents, et en créant un environnement de travail attractif et flexible. Pour nous, diriger, c’est donner une direction et un cadre où chacun peut s’épanouir.

Vous avez parlé de l’ADN de l’entreprise. Qu’est-ce qui, selon vous, a le plus fait évoluer la culture d’entreprise ces dernières années ?

Andreas Sennheiser : Aujourd’hui, la flexibilité est au cœur de notre culture. Les collaborateurs travaillent là où c’est le plus pertinent pour eux, leurs équipes et leurs projets. Si, auparavant, la R&D était concentrée à Wedemark, nous fonctionnons désormais selon un modèle hybride. Le sujet de la diversité est aussi devenu bien plus visible. Nous avons toujours évolué dans un univers naturellement divers, car la musique a toujours rassemblé des personnes d’horizons différents. Impossible d’imaginer la musique, ou Sennheiser, sans diversité. Nous sommes international par conviction. Nos clients, qu’ils soient dans la musique, les médias, l’éducation, incarnent une pluralité rare. Nous nous voyons comme leur reflet. Et lorsqu’une personne peut développer pleinement son potentiel avec le bon accompagnement, tout le monde en bénéficie, l’entreprise comme la société. Même si certaines tendances sociales actuelles vont à contre-courant, la diversité reste une valeur fondamentale, inaliénable de notre culture.

« Même si certaines tendances actuelles dans la société vont à contrecourant, la diversité reste une valeur fondamentale, essentielle et intangible de notre entreprise. »
​- Andreas Sennheiser

Un mot sur l’année 2024. Quel est votre bilan ?

Andreas Sennheiser : 2024 a été une année difficile. Mais malgré des conditions de marché instables, nous avons su consolider notre position sur le marché de l’audio professionnel tout en faisant avancer plusieurs projets d’avenir structurants. Ce fut une année exigeante, mais décisive pour poser les bases de notre croissance future.

« Malgré des conditions de marché instables, nous avons réussi à consolider notre position sur le marché de l’audio professionnel tout en faisant progresser des projets d’avenir majeurs. »
​- Andreas Sennheiser

2024 a également été marquée par de nombreuses innovations produits. Quelles sont vos grandes fiertés ?

Daniel Sennheiser : Le lancement de Spectera est un tournant pour nous. On passe du micro sans fil classique à une plateforme programmable. C’est un changement de paradigme, comparable au passage du téléphone à touches au smartphone. Les mises à jour logicielles remplacent les cycles matériels, offrant aux clients une flexibilité maximale, non seulement pour définir de nouveaux besoins, mais aussi pour innover eux-mêmes.

Nous avons aussi élargi notre portefeuille via l’acquisition de Show Code, une société spécialisée dans les logiciels audio. Cela s’inscrit dans notre volonté de renforcer notre position sur l’audio professionnel, en investissant à la fois dans notre cœur de métier et dans des domaines d’avenir cohérents avec notre vision. Avec Show Code, nous souhaitons faire évoluer le logiciel SoundBase. Nous partageons une compréhension fine de la complexité des événements live.

Côté Neumann, la promesse du studio end-to-end s’est concrétisée avec l’intégration de Merging Technologies, le MT 48 et de nouveaux logiciels. Parmi les autres temps forts, citons les barres TeamConnect pour les environnements de conférence, le micro de plafond TCCM, la solution Creator “Profile Wireless” et le MD 421 Compact. Nous voyons aussi un fort potentiel dans l’enseignement supérieur. Nous pouvons équiper des campus entiers, des grands amphithéâtres jusqu’aux petites salles hybrides.

Quels ont été les principaux domaines d’investissement en 2024 ? Qu’avez-vous mis en place pour vous assurer d’être bien positionnés pour l’avenir ?

Daniel Sennheiser : Malgré un contexte économique tendu, nous avons poursuivi nos investissements en R&D, à hauteur d’environ 10 % de notre chiffre d’affaires. Cette capacité à se projeter sur l’avenir, même dans l’adversité, fait notre force en tant qu’entreprise familiale. En parallèle, nous avons renforcé l’automatisation industrielle. En Allemagne, nous avons perfectionné notre technologie SMT pour l’assemblage de puces. En 2024, nous avons investi 12,2 millions de dollars dans ce domaine, et 13,7 millions au total dans nos sites de production. Nous avions déjà fortement investi dans notre usine en Roumanie ces dernières années. Nous avons aussi consacré 3,1 millions de dollars à la digitalisation de points de contact clients et de processus internes, une étape clé vers de nouveaux modèles digitaux et une organisation de service plus agile.

Qu’espérez-vous pour 2025 et au-delà ?

Andreas Sennheiser : Nous souhaitons continuer à co-créer des solutions innovantes avec nos clients pour construire l’avenir de l’audio. On observe une évolution vers des événements immersifs de grande ampleur – festivals, expositions, musées compris. Le public attend des instants “waouh”, qui nécessitent des technologies parfaitement intégrées. Notre ambition est de rester curieux. Explorer ce qui, selon nous, aura un impact demain, même si cela prend du temps à émerger.

« Nous voulons conserver cette proximité avec nos clients dans vingt ans et continuer à créer et partager avec eux ces instants uniques qui donnent la chair de poule. »
​- Andreas Sennheiser

Après 80 ans, on peut déjà penser aux 100. Que souhaitez-vous pour le centenaire de Sennheiser ?

Andreas Sennheiser : Ce que je souhaite, c’est que dans 20 ans, nous soyons toujours aussi proches de nos clients, et que nous partagions encore avec eux ces moments uniques qui donnent la chair de poule. Et que cette passion du son et du progrès continue à vivre en interne.

Daniel Sennheiser : J’espère aussi que notre culture forte et porteuse continuera à se développer autour de nos valeurs partagées : un ancrage historique et une vision tournée vers l’avenir, avec des collaborateurs engagés à tous les niveaux, pour l’innovation, pour les clients, et au-delà.
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